CHILI – On a eu la chance de découvrir la capitale dans les pas de Daniel et Barbara, Santiaguinos pur sucre. On vous fait visiter ?
Plus de 23 heures de bus depuis San Pedro (lire aussi Escale dans le désert d’Atacama). Pas de souci, on est rodés.
Belle barbe pointue. Grosses lunettes de soleil. Daniel est là, il nous attend à San Borja, la station centrale de Santiago. Voilà plus de cinq ans que Mathieu ne l’avait pas vu, depuis qu’il avait quitté la France pour revenir au Chili après son année d’assistant d’espagnol dans un lycée de Lozère. Mais contacté par le web, illico, il a accepté de nous recevoir chez lui, dans l’appartement du quartier Nuñoa où il vit avec Barbara.
C’est une évidence, on l’a déjà écrit, mais voyager avec des locaux, ça change tout. Durant quatre jours – et quatre nuits – le couple nous a guidés dans les rues de la capitale, à la découverte des classiques et des adresses fréquentées par les seuls Santiguinos. Suivez les guides.
Les lieux d’histoire
Un peu plus au sud, le palais de la Moneda, triste théâtre du coup d’État du 11 septembre 1973, lors duquel Salvador Allende, premier président socialiste élu de l’Histoire, a été suicidé (lire aussi notre encadré ci-dessous). Émouvant de voir ce lieu chargé de cette histoire récente, aujourd’hui occupé par Michèle Bachelet, fille d’un général arrêté et torturé jusqu’à la mort par Pinochet.
Après un déjeuner almuerzo (on ne perd pas les bonnes habitudes), on se lance à l’assaut du cerro Santa Lucia, la toute proche et petite colline qui culmine à 70 mètres au-dessus des rues. C’est déjà ça. Une fois arrivées à la Torre mirador, au sommet, le panorama est plutôt sympa, avec les montagnes enneigées en arrière-plan. Le parc est pas mal pour faire une pause.
Les lieux de mémoire
De retour dans son quartier, Daniel tient à nous montrer un endroit chargé en émotion, à quelques minutes de marche de chez lui. Le mémorial José Domingo Canas, au numéro 1367 de la rue éponyme, occupe les lieux de l’un des – nombreux – anciens centres de torture de la dictature chilienne. Les crimes y sont évoqués avec sobriété. Sur place, on est accueilli par des bénévoles des associations de défense des victimes, enfants, compagnons ou proches de personnes disparues. On discute un peu. On signe le livre d’or. Ils sont ravis que nous, Français, nous intéressions à leur histoire.
11 septembre 1973, jour de coup d’État. Au petit matin, l’opération militaire s’enclenche : l’armée, conduite par le général Pinochet déclenche l’assaut. Quelques heures plus tard, après le bombardement du palais de la Moneda, dans le coeur de Santiago, Salvador Allende, président socialiste démocratiquement élu, est retrouvé « suicidé » dans son bureau. Ci-dessous, son dernier discours, ses derniers mots, sur les ondes de la seule radio qui n’avait pas basculé aux mains de la junte. Si vous n’avez jamais entendu ça, prenez cinq minutes, c’est poignant.
C’est le premier jour d’une dictature militaire qui durera 17 années, fera plus de 3 200 morts et « disparus », autour de 38 000 personnes torturées et des centaines de milliers de personnes forcées à l’exil. Une histoire récente qui reste très prégnante dans le pays, où la jeunesse attend toujours les lendemains qui chantent. Avec une énergie et une foi dans la chose politique qui fait plaisir à voir.
Les lieux de fête
Le garçon est un bon vivant. Avec Daniel, les soirées sont arrosées, et bon, ça n’est pas pour nous déplaire. Quand Barbara et lui ne sont pas occupés à nous faire visiter, à domicile, l’ensemble du vignoble chilien, il nous guide dans les endroits les plus vivants de la capitale. À commencer, forcément, par le quartier Bellavista. Situé au pied du cerro San Cristobal (lire ci-dessous), c’est l’épicentre de la vie nocturne : un bar voisine avec une boîte qui voisine avec un resto branché ou une boutique à la mode, et ainsi de suite. Vendredi soir : les terrasses sont bondées. Les gens sont dehors et ils font la fête. Tiens, on croise un chinchinero, personnage typique et unique du Chili, homme-orchestre survolté, sorte de Rémy Bricka latino sous amphétamines. Olé !
A quelque pas se trouve aussi la Chascona, l’une des trois maisons de Pablo Neruda aujourd’hui ouvertes au public. Bon, là il est un peu tard, impossible de rentrer. Mais promenez-vous dans les alentours, c’est charmant.
Les lieux de détente
C’est dimanche. Après un petit-déjeuner façon chilienne (un brunch, quoi), on se met tous les quatre en route pour le marché central de la Vega (métro Patronato), qui rassemblerait, paraît-il, pas moins de mille marchands. Bon, même si ça n’est pas sûr, et mérite réellement le détour. C’est ici que nous avons fait déguster du roquefort.
Dans l’après-midi, on embarque à bord du mignon funiculaire pour monter au sommet du cerro San Cristobal (2000 pesos l’ascension, 2,60 euros). La pente est raide, bien raide (pas fous, c’est la descente qu’on a choisi de faire à pied) mais en quelques petites minutes, ça y est, on jouit d’une vue formidable sur Santiago et même la Cordillère des Andes et ses sommets enneigés, en toile de fond. On avale une petite empanada au snack du sommet, avec un mote con huesillos et comme des centaines de Santiaguinos, on part arpenter la colline avant de redescendre gentiment vers le centre, par le quartier Bellavista. Derniers ballons de vin, le soir. Le lendemain matin, on quitte Santiago, et nos amis, avec un petit pincement au cœur. Nouveau bus. Dans moins de deux heures, on sera à Valparaiso, belle et rebelle.