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Inde : on dirait le sud…

INDE – Carnets de voyage de deux filles parties pour cinq mois d’aventures dans ce pays bouleversant. Épisode 6 : le sud du pays, plus paisible. 

Il y a quelques années, je (ici, c’est Elodie qui raconte) m’envolais pour l’Inde en compagnie de Milena, une amie photographeDeux filles en territoire inconnu pendant cinq mois.  Tout au long de notre parcours, on a raconté, à chaud, nos impressions et nos péripéties sur un blog créé pour l’occasion
Aujourd’hui, j’ai envie de partager ces carnets de voyage ici.
À travers cette série de 10 articles, découvrez l’Inde avec nous. On l’a d’abord détestée, puis elle nous a intrigué. Et après un long apprivoisement, on a appris à l’apprécier. Il m’a fallu du temps pour me remettre de ce voyage, mais aujourd’hui, avec le recul, je peux enfin dire : j’y retournerai.

 

INDE DU SUD, LA MISÈRE SERAIT MOINS PÉNIBLE AU SOLEIL 

De Mumbai à Kanyakumari, de Kochi à Pondichéry, de Nasik à Madurai. En long, en large et en travers. Après près de deux mois à arpenter la péninsule indienne, l’heure est au bilan. Et ce dernier est sans appel : l’Inde du Sud nous manque déjà.

Il est loin le temps brumeux du Madhya Pradesh et de l’Uttar Pradesh (centre du pays) où les Indiens ne voyaient en nous que d’étranges personnes pâles de peau, vêtues différemment et des roupies plein les poches. Ici, on ne juge pas. Et, bien que vous restiez une curiosité dans le paysage local, on ne vous dévisage pas. Ou moins. On cherche d’abord à vous connaître. Votre pays, bien sûr, mais aussi votre nom, la profession de vos parents, votre destination, le but de votre voyage… La première réponse est souvent suivie d’une avalanche d’interrogations. Pas d’agressivité, non, la simple envie de vous connaître et d’en apprendre un peu plus sur votre si lointain pays.

Les voyages en train (plutôt à l’heure dans cette partie de l’Inde) ou en bus (les distances plus courtes poussent vers ce moyen de transport) encouragent d’ailleurs les échanges. Parfois éphémères, le temps d’un sourire, parfois plus intenses avec au bout le partage d’une gourmandise locale.

Dans ce paradis vert et vallonné, où cocotiers et palmiers ont la vie belle, on prend le temps vivre. Moins superficiel, plus accessible, l’Inde du Sud n’agresse pas son voyageur. Elle sait recevoir : toujours le sourire aux lèvres, même sans comprendre un mot de ce que vous dites, du Kerala au Tamil Nadu, si on peut vous aider on le fera avec plaisir. Sans rien attendre en retour. Et si on ne peut pas, on vous aiguillera toujours vers quelqu’un susceptible de vous renseigner. Un serveur peut passer la moitié de son service à vous enseigner tout l’art de manger avec les doigts.  Car l’Indien du sud est fier de sa culture et aime la transmettre à celui qui s’y intéresse.

Ici, ni jean ni pantalon. Le pagne est de mise pour la gente masculine. Retrousser au dessus du genoux ou en version longue, tous les styles sont possibles. Et contrairement à ce que tu crois lecteur, l’homme du Sud est loin d’être ridicule en jupe. Le tissu blanc contraste sur les mollets noirs et fins et son aisance naturelle à marcher un bout de pagne au bout des doigts est déconcertante. Et puis entre nous, quand il fait 35 à 40 degrés dehors, nul doute qu’il doit faire moins chaud là-dessous !

Pour les femmes, bien qu’elles le portent différemment du reste de l’Inde, le traditionnel sari reste la norme. Ajoutez simplement à la tenue des filets de jasmin dans les cheveux. Esthétique, raffiné et parfumé.

Manger avec les doigts, quel plaisir

Nous évoquions plus haut, la possibilité de manger avec les doigts. S’il est possible d’observer des Indiens le faire dans tout le pays, dans la péninsule sud, c’est la règle. Si on vous amène une cuillère ou des couverts, c’est simplement parce que le serveur déduit par votre couleur de peau que vous en aurez besoin. Oubliez-les et redécouvrez le plaisir de manger avec les doigts. Comme quand vous étiez enfant et qu’on rouspétait après vous pour que vous utilisiez proprement la fourchette. Pas de ça ici. Pour appréciez un bon biryani et son raïta, servi sur une feuille de bananier, il faut y aller franchement avec les mains. Malaxez le tout encore et encore et dégustez. Un régal.

Un dernier conseil lecteur si tu choisis de voyager en Inde du Sud : oublie toutes les bases d’Hindi que tu as apprises jusqu’ici. Car dans cette partie de l’Inde, on refuse d’employer la langue nationale. Et ce, même si on la comprend. Les langues régionales sont prioritaires. Et en dernier recours, le local choisira l’anglais. Ne t’étonne donc pas de voir deux indiens parler la langue de Shakespeare entre eux.

L’Inde du sud est en de nombreux points différente de sa voisine du centre. Certains vous diront que deux mois à crapahuter, c’est trop court pour la découvrir  et la comprendre entièrement. Certes. Mais, on leur répond que deux mois sont suffisants pour savoir que l’on s’y sent bien et que même si nous sommes impatientes de découvrir les richesses de l’Inde du nord,  nous quittons le sud conquises.

 

KUVAGAM, EN TERRE INCONNUE

Dimanche, 13 heures passées, le bus s’arrête, à Kuvagam. Quelques maisons au milieu de nulle part. Inconnu du Lonely Planet, inconnu du Routard, inconnu des guides touristiques tout court. Dans ce petit village du Tamil Nadu, loin de toute agglomération, chacun vaque à ses activités. La vie et le temps s’écoulent tranquillement.

En sortant du bus local, la première foulée fait déjà impression: les regards interrogateurs se font sentir. Mais qu’importe la pression de l’autochtone puisque après tout, nous sommes là pour visiter un temple et repartir. Nous n’avions pas, en revanche, émis la possibilité que la porte du lieu sacré puisse être verrouillée.
Une famille indienne, voisine du temple, curieuse et étonnée de voir deux blanches ici, nous fait signe de la rejoindre sous son toit, comprenant notre désarroi face au portail temporairement fermé. Elle nous propose gentiment de patienter chez elle, interrompant ses activités pour quelques heures.

Une de nos plus belles rencontres

Le maître des lieux, sa femme et ses enfants, la sœur, le père, la mère, les amis et les fils des voisins, interpellés par la scène inhabituelle, arrivent en masse. On décroche les noix de coco pour abreuver notre soif, on trie les cacahuètes pour nous faciliter la vie. Ces gens sont prêts à tout nous donner. Gênées parce qu’on a rien fait pour mériter d’être traitées comme des reines, il faut pourtant l’accepter, cela fait partie des coutumes indiennes.

Ici tout le monde parle tamoul. Difficile donc de communiquer par la voie habituelle. Tentative, échec, rires. Entre curiosité et perplexité, tout le monde s’observe, personne ne sait comment réagir. On échange de minces informations sur nos vies respectives, nos familles, nos envies. On rie, encore. Finalement, le sourire remplace bien des mots.

Il est l’heure de visiter le temple, objet premier de notre visite. Les portes s’ouvrent pour découvrir Shiva, Perumal et les autres dieux. La traversée du village ajoute quelques fidèles à notre pèlerinage improvisé. L’impression d’être suivies à chaque pas est à la fois étrange et exaltante. Il faut dire que notre hôte, attentif aux moindres réactions, tient à nous faire découvrir tous les recoins du lieu sacré, ainsi que de son village.

Les rencontres dénuées d’intentions et de communication traditionnelle sont parfois les plus belles. Sans rien connaître de ces gens, on essaie pourtant  de capter des indices qui pourraient définir leur personnalité, leur rôle dans le village. Pour comprendre un bout de leur vie. Même en étant à des années lumière de leur culture, on se sent proche d’eux, on est bien.

Il est déjà l’heure de repartir. Après avoir obtenu l’adresse du lieu, promesse a été faite d’envoyer les photos prises. Pour que chacun puisse garder une trace de cette journée. Une bien mince compensation face à leur grande générosité. Quant à nous, nous continuons notre route, des souvenirs plein la tête. Incapables d’oublier ce moment, certes éphémère, mais qui fait de ce voyage une expérience que l’on échangerait pour rien au monde.

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