INDE – Carnets de voyage de deux filles parties pour cinq mois d’aventures dans ce pays bouleversant.
Épisode 4 : Décryptage de certains mystères indiens…
Aujourd’hui, j’ai envie de partager ces carnets de voyage ici.
À travers cette série de 10 articles, découvrez l’Inde avec nous. On l’a d’abord détestée, puis elle nous a intrigué. Et après un long apprivoisement, on a appris à l’apprécier. Il m’a fallu du temps pour me remettre de ce voyage, mais aujourd’hui, avec le recul, je peux enfin dire : j’y retournerai.
Après des débuts assez difficiles, on commence enfin à s’acclimater au pays. À en saisir quelques brides. Et à en apprécier les traditions et coutumes. Si vous avez raté les épisodes précédents :
– Episode 1 : Bienvenue en Inde.
– Episode 2 : L’Inde, sans les touristes.
– Episode 3 : L’Inde dans le grand bain hindou.
– PETIT LEXIQUE INDIEN –
L’Inde est unique de bien des manières. Voici un résumé des nombreuses choses à savoir avant d’embarquer pour ce pays incroyable. Liste non exhaustive, bien sûr.
ANIMAUX : Pas de chien en laisse ni de chat qui gambade gaiement. Ici, dans les rues, la faune s’apparente plus à celle de la ferme que celle des villes occidentales. Pas d’animal domestique : on côtoie en permanence vaches, chèvres, cochons ou chiens errants. Petit conseil au passage : éviter de frôler de trop près les bovins, qui balancent sans prévenir des coups de corne à droite ou à gauche. Fourbe, la vache.
AYURVEDA : Oubliez les aspirines et autres antidouleurs occidentaux. Ici, on pratique la médecine ayurvédique à base de produits naturels. Elle considère la santé sur un plan large : hygiène de vie, corps et esprit doivent être traités équitablement. Et pour rétablir l’équilibre perdu, chaque individu se voit attribuer un remède adapté. Pour les même symptômes, deux personnes peuvent donc se voir prescrire des mélanges de plantes différents.
BINDI : Le fameux point rouge sur le front. Tous les occidentaux imaginent l’Indienne parée de ce symbole religieux. Ce sont les femmes hindoues mariées qui le portent à l’origine, associé au trait rouge à la racine de leurs cheveux. Mais l’Inde en a fait aujourd’hui un accessoire de mode. Les formes et couleurs se multiplient, on en porte à tout âge. Les hommes et les enfants, eux, se l’approprient uniquement en sortant du temple.
BOIRE : Oui, comme nous, l’Indien peut boire eau et soda à la bouteille. Mais pas n’importe comment. A l’inverse de l’Occidental qui colle ses lèvres au goulot, le local s’arrange pour ne pas entrer en contact avec la bouteille. Un exercice qui demande une certaine dextérité, notamment dans les transports publics.
BONJOUR : Le traditionnel Namaste, à prononcer avec les mains jointes.
BOUSES (de vache) : combustibles indéniables, en ville comme à la campagne, les bouses de vache sont mises à sécher en galette et empilées sous forme pyramidale. Seconde utilité : la fumée de bouses brûlées s’avère être un très bon anti-moustique.
COLORATIONS : pour cacher les effets du temps qui passe et l’arrivée des premiers cheveux blancs, les Indiens ont trouvé la solution : se teindre les cheveux avec du henné. Visiblement il préfère le orange au blanc…
CROIX GAMMÉE (ou svastika de son nom d’origine) : Sa représentation sur bon nombre de maisons indiennes peut choquer ceux qui ignorent qu’Hitler a emprunté le symbole à la religion hindoue. Nul antisémitisme dans les habitations marquées par ce signe, mais seulement un symbole de bonne chance.
DÉCHAUSSER (SE) : Partout en Inde, on enlève ses chaussures avant de rentrer dans les temples et mosquées. Même chose dans les habitations. Mais souvent, c’est à l’entrée des boutiques que l’’on vous demandera de le faire, notamment dans le sud du pays. Question de respect.
DIGESTIFS : En Inde du nord, après un copieux repas, l’addition est toujours apportée avec un petit plat de grains d’anis et de sucre. Une touche sucrée parfaite pour une haleine fraîche et qui aurait, en plus, des vertus digestives.
DODELINER : Le fameux dodelinage. Vous avez déjà entendu le fréquent raccourci : « En Inde, ils font non de la tête pour dire oui », et bien oubliez-le. Car les choses sont loin d’être aussi simples. En effet, l’Indien ne hoche pas la tête pour affirmer. Il dodeline, secoue sa tête de droite à gauche en la bougeant dans tous les sens. Il faut le voir pour le comprendre. Là où ça se complique, c’est qu’il mime le « non » comme l’Occidental, en secouant aussi la tête de gauche à droite. Et toute la subtilité de la situation c’est d’analyser ce balancement horizontal pour savoir s’il veut dire oui ou non. Question d’entraînement.
EXCUSER (S’) : Quand vous bousculez accidentellement quelqu’un dans la rue, la coutume locale veut que vous touchiez votre tête et votre cœur pour présenter vos excuses à la personne. Pas la peine dans ce cas là d’utiliser le traditionnel « sorry » ou « excuse me ». L’Indien appréciera.
GANDHI : Non, le sympathique bonhomme prônant la non violence ne ressemble pas beaucoup au reste des Indiens. Il serait plutôt leur antithèse. D’ailleurs le Mahatma Gandhi est loin de faire l’unanimité. Beaucoup de locaux refusent de voir en lui un grand homme. Pourquoi ? Il a œuvré pour le rapprochement des communautés hindoue et musulmane. Ce qui n’est pas au goût de tout le monde.
HITLER : Et pendant que Gandhi est malmené, Hitler est mis sur un piédestal par une partie de la population. Lui, « ce brave homme », vous diront les Indiens, qui a su se battre pour ses idées et son pays… Des lacunes dans les enseignements d’histoire expliqueraient en partie cette vision des choses.
IMPRÉVISIBLE : Inde, pays de toutes les surprises. Prévoir à l’avance ne sert à rien, au dernier moment vos plans sont contrecarrés par un imprévu imprévisible ! Une seule chose doit être organisée des semaines à l’avance (si possible) : vos trajets en train. Train qui, lui, est toujours imprévisible.
MONNAIE : Utile à savoir lecteur, notamment si tu prévois de partir en Inde : l’Indien n’a jamais de monnaie. Qu’il soit riche, pauvre, commerçant ou chauffeur, il n’a jamais de petites coupures de 10, 20 ou 50 roupies. Alors si tu ne tiens pas à laisser au rickshaw ton billet de 100 roupies parce qu’il n’a pas de change, pense à faire de la monnaie.
MOUCHOIR : Pour le local, se moucher à l’occidentale est perçu comme un comportement sale. Surtout quand le mouchoir, plein de microbes, est gardé en poche. Sa solution : jeter la morve sur le sol en soufflant fort dans chaque narine.
PAPIER TOILETTE : Inexistant dans ce pays (exception faite des établissements touristiques). Se frotter avec du papier est là aussi considéré comme très sale. Pour bien se nettoyer après le passage aux toilettes, l’Indien préconise le jet d’eau.
PATIENCE : Qualité indispensable chez l’Indien. Sur la route, dans les transports publics, dans l’administration. Pas un seul local perdra son sang-froid durant l’attente, aussi longue soit elle. D’ailleurs un proverbe dit : « Une personne patiente perdra sa patience en Inde, là où quelqu’un d’impatient apprendra à le devenir. »
PLAN B : Dans les restaurants, les longues cartes peuvent faire saliver d’envie. Attention, la moitié du temps, une grande partie des plats présentés est indisponible. Donc au moment de choisir, prévoyez toujours un plan B, pour être sûr que ce que vous voulez est possible.
POLITESSE : Au Nord comme au Sud, on vous dira rarement « merci » ou « s’il vous plait ». N’y voyez pas de l’impolitesse, les Indiens ne le font même pas entre eux. Seules les personnes au contact des touristes ont pris l’habitude d’employer cette politesse occidentale.
RENSEIGNER (SE) : le meilleur moyen de se renseigner en Inde, c’est de demander à un Indien. Toujours prêt à vous aider, il répondra à votre question. Mais pas forcément par la bonne réponse. L’Indien préfère dire une bêtise plutôt que de vous laisser sans réponse. Il est donc préférable de demander à deux, trois personnes minimum pour être sûr du renseignement.
ROTER (ou péter) : Le bruit peut en déranger plus d’un. Mais ne soyez pas offusqué (enfin, essayez de ne pas l’être) car partout où vous irez les Indiens roteront allègrement après un bon repas. Homme comme femme.
SÉCHOIRS PUBLIC : Pas de sèche-linge, ni de machine-à-laver pour les trois quarts de la population. Le système local : on lave dans le fleuve ou la rivière, sur les ghâts, et on fait sécher où on peut. Les grilles des bâtiments publics sont très prisées.
TACTILE : Les Indiens sont très tactiles entre eux, en particulier les hommes. Peu importe l’âge, ils marchent ensemble dans la rue, bras dessus-dessous, dorment l’un contre l’autre dans le bus et peuvent se caresser la cuisse en signe d’affection. En France, ces comportements seraient associés à de l’homosexualité. Il n’en est rien. Ici, les hommes se touchent en signe d’amitié. Rien d’autre.
TURBAN : Si l’Indien porte un turban, deux solutions : soit il est sikh (la religion veut que l’homme ne se coupe pas les cheveux et les dissimule sous cette coiffe), soit il est rajasthani (coiffe traditionnelle pour les hommes dans cette partie de l’Inde).
« WALIYOU » : c’est le résultat phonétique, du « Comment ça va » en anglais (« How are you ») avec un bel accent indien prononcé. La première fois, ça surprend.
– SÉANCE BOLLYWOOD –
Bollywood a encore de belles années devant lui. Chaque sortie de film le prouve un peu plus. On ne pouvait pas passer à côté de ce moment exceptionnel dans la vie de tout indien : la séance de cinéma.
Cinema Raj Mandir, Bhagwan das road, Jaipur. Juste à côté du Mc Do. Une salle (unique mais immense) historique (elle date de 1976), symbole de toute une ville. Ici, il est déconseillé d’arriver à la dernière minute pour acheter son ticket d’entrée. Surtout si vous voulez voir le film (Race 2 en l’occurrence). Les caisses ouvrent 45 minutes avant la séance et il faut s’imposer pour ne pas se faire doubler. Donc, la bonne solution, c’est de réserver son billet (on peut le faire une semaine à l’avance !). Une fois au guichet, délicate situation : quelle classe choisir ? Persuadées que la plus chère est la mieux placée, on prend la catégorie « diamond » (sans savoir qu’il s’agit d’un balcon qui surplombe la salle) qui reste quand même à un prix dérisoire.
Trente minutes avant le début de la projection, les portes du cinéma s’ouvrent. La foule en tenue élégante pénètre dans le hall, couleur meringue, et démarre une longue séance photo. Touristes et indiens visitent le bâtiment, appareil photo en main.
Le vestibule chic, les salles « Cosmétiques », le stand des gourmandises (pas aussi fourni qu’en France, mais suffisant), l’immense salle avec son immense écran… Tout est disproportionné. Mais pour les Indiens, c’est la sortie du mois, alors rien n’est trop beau.
« Toujours plus »
C’est l’heure de la projection. Le rideau se lève. Séquence bande-annonces. Des hurlements jaillissent dans la salle. Qui ? où ? pourquoi ? comment ? On comprend alors que le public local vit chaque seconde de projection avec une intensité déstabilisante. En Inde, quand le héros entre en scène ? On crie. La séductrice fait de l’œil au méchant? On siffle. Une cascade ? On s’arrête de respirer avant de lâcher un cri de joie. Le public vit et exulte avec ses acteurs adorés. Une ambiance à faire pâlir des salles de concert.
Il faut dire que les super productions bollywoodiennes n’ont peur de rien. Leur credo : « Toujours plus ». Même James Bond n’ose pas aller si loin. Des voitures qui sautent en parachute, des morts qui ressuscitent, des complots qui n’en finissent plus, de longues séquences « comédie musicale ». Toujours plus. Des acteurs indiens à la peau claire aux poches remplies de billets (en euros) et aux petites copines ultra-sexy évoluent à l’écran dans un monde de blancs. La formule n’est pas nouvelle, mais ça fonctionne toujours.
Petite entracte. Le rideau descend. La salle reprend son souffle. Dix minutes plus tard, le show peut reprendre. Interminable chassé-croisé de trahisons. Le frère qui trahit la sœur, qui a elle aussi planifié de le tromper, le couple d’amis qui change de camps chaque deux minutes, le héros qui se fait avoir par la jolie fille… Toujours plus. Pas besoin de parler hindi pour démêler tout ça.
Et si vous n’êtes pas adeptes des films d’action, rien n’est perdu. Car le film bolywoodien est très drôle, souvent malgré lui. Impossible de ne pas sourire devant les abus d’effets spéciaux. Même hilarité devant la scène du train qui se passe « Quelque part en Europe » (difficile de faire plus imprécis). Mais, on retiendra surtout les gros clichés : celui du gros dur qui devient romantique en chantant et dansant (impossible de rester crédible après ça) et celui de la femme toujours vénale (« Men are many, money is money », les hommes sont nombreux, l’argent c’est l’argent).
Rien qui ne semble déranger les spectateurs indiens. Qui ont visiblement aimé le long-métrage, très applaudi. Bref un public qui ressort ravi, ravi, ravi.
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