INDE – Carnets de voyage de deux filles parties pour cinq mois d’aventures dans ce pays bouleversant. Épisode 9 : les dix lieux les plus fascinants.
1 – Le RAJASTHAN et le TAJ MAHAL
Itinéraire « classique » d’un tour dans le Rajasthan Delhi : Tombeau de Humayun Mandawa : havelis disséminés dans le centre-ville Bikaner : vieille ville, fort, temple de Deshnok (à 30 km au sud) Jodhpur : fort, ville bleue, clock tower Ranakpur : temples jaïns, fort de Kumbalgarh (à 10 km) Udaipur : City Palace, Jagdish temple, vieille ville Pushkar : balade dans la ville, autour du lac encerclé de temples Jaipur : Palais des vents, vieille ville Agra : Fort Rouge, bazars et… Taj Mahal
Après avoir baroudé pendant quatre mois dans toute l’Inde, notamment le Rajasthan, on y est retourné pour tester pour vous la façon circuit touristique avecune voiture et un chauffeur (la formule la plus demandée par les voyageurs dans cette région très visitée). Une méthode efficace qui permet de découvrir rapidement les principaux sites du Rajasthan (et d’Agra, avec le fameux Taj Mahal).
Le principe de ce tour ? La location des services d’un chauffeur, de son véhicule et l’établissement d’un plan de route ensemble (dans la limite du faisable – voir la fiche détaillée du voyage). Le choix des hôtels appartient aux clients. On a profité de la venue de plusieurs proches pour embarquer à sept dans un Tempo Traveller. Un espèce de gros minibus convivial et spacieux, idéal (ou presque) pour de longues parties de cartes.
Départ prévu deDelhiaprès une très rapide visite de la ville en matinée. Un des inconvénients de cette formule, malgré la liberté qu’elle permet, c’est que tout est plus ou moins chronométré. Quand on veut voir un maximum de choses en un temps minimum (dix jours, en l’occurrence), il faut forcément garder un rythme soutenu.
Jodhpur, la Ville Bleue
C’est parti pour la découverte des villes du Nord de l’État :Mandawa et Bikaner, qui flirtent avec le désert du Thar (lire aussi notre expérience à dos de dromadaire dans ce désert). Des centaines de kilomètres parcourus, très vite. En voyageant en voiture, on est sûr de ne pas subir les retards (toujours plus nombreux) des trains indiens. Un point non négligeable quand on sait que certains d’entre eux peuvent avoir plus de vingt heures de retard (on a testé pour vous ; lire aussi notre article Prendre le train en Inde).
Après les havelis de Mandawa et le fort de Bikaner, direction Jodhpur, la célèbre Ville Bleue. Sur le chemin, une petite halte s’impose au temple deDeshnok, où des centaines de rats se baladent librement dans le lieu sacré. On dit que celui qui apercevra un des rats blancs verra la chance lui sourire. On a cherché, on n’a pas trouvé. Et étant donné le très mauvais état de santé de certains rongeurs, il ne serait pas étonnant d’apprendre que les « blancs » sont morts depuis belle lurette.
Pour découvrir les beautés deJodhpur, direction son fort et son point du vue. En bons élèves, tout le monde prend l’audioguide. Pas facile de tenir l’exercice jusqu’au bout. La visite est belle, les bâtiments majestueux mais l’histoire locale compliquée à suivre. Sous la chaleur et la multiplication des visites, on s’est contenté d’en prendre plein la vue.
Prochaine étape : le paisibleRanakpuret ses très beaux temples jaïns, les plus importants du pays. Plus relaxant que la bruyante vieille ville de Bikaner, ce petit coin permet de faire une pause dans l’hystérie auditive indienne (l’acharnement des klaxons perturbe toujours les premiers temps).
90 km plus au sud,Udaipur, la ville blanche, aussi connue sous le nom de « Petite Venise de l’Inde » (pas totalement justifié, si on nous demande notre avis) et son City Palace sont toujours cités parmi les incontournables du Rajasthan. On ne peut pas nier que le palais du Maharaja qui trône sur le lac ne mérite pas le coup d’œil. Mais dans la série « ville bâtie autour d’un lac »,Pushkar a aussi quelques atouts en poche. Cette bourgade spirituelle, plus petite que sa voisine, propose une paisible balade autour de l’eau, le long de dizaines de petits temples.
Le Taj Mahal ? Majestueux !
Jaipur. Nous avions déjà séjourné quelques jours dans cette ville aux façades roses en février dernier. Et il faut bien avouer qu’elle ne nous avait pas laissé un souvenir impérissable. Sous le soleil d’avril, Jaipur et son Palais des vents se montrent sous un nouveau jour. Beaucoup vous diront qu’il est difficile d’aimer autant Jaipur que Jodhpur, qu’il faut choisir son camp : la Ville Bleue ou la Ville Rose… Une question de coup de cœur.
Le Rajasthan est rempli de belles choses. Mais quand on vient en Inde pour une dizaine de jours, il est impensable de passer à côté du Taj Mahal. Place à la découverte d’une des sept nouvelles merveilles du monde à Agra.
Alors, déçues, pas déçues ? Verdict : l’édifice blanc, site le plus visité en Inde, mérite amplement son succès. Majestueux et resplendissant, le Taj Mahal est à la hauteur de sa réputation, surtout quand on peut l’apprécier à l’aube avant qu’il ne soit submergé par des hordes de touristes. Nous voilà conquises !
On les oublie trop souvent. Les sikhs, généralement reconnaissables par leur grande barbe et leur turban sur la tête, représentent 2 % de la population indienne (à peine moins que les chrétiens, 2,3%). Et Amritsar, dans le Punjab, c’est un peu leur Mecque à eux.
En venant dans la capitale du sikhisme, on prévoyait donc uniquement la visite du Temple d’Or, sans imaginer qu’il y avait autre chose à voir dans cette ville ordinaire. On ne remerciera jamais assez les deux sympathiques Français croisés à l’hôtel qui nous ont permis d’assister à la cérémonie de fermeture de frontièrela plus farfelue de l’histoire !
Si on vous dit « relations indo-pakistanaises », vous pensez « bombes », « attentats », « morts », « guerre »… Rien de très joyeux. Et pourtant ! Ici, au poste de frontière de Attari-Wagah, les relations entre les deux nations ont pris un tout autre tournant. Tous les soirs, les deux armées coopèrent pendant 30 minutes pour une parade martiale. Un rituel tellement populaire qu’il a fallu installer plusieurs gradins de part et d’autre de la frontière (hommes et femmes sont séparés côté Pakistan) pour accueillir les centaines de patriotes venus assister à la cérémonie, drapeau national grimé sur le visage.
Pour faire patienter la foule enthousiaste, côté indien, on ne recule devant rien. Des enceintes puissantes balancent les tubes bollywoodiens et la route se transforme en grande piste de danse. Euphorie. Et hallucination générale dans les tribunes de touristes étrangers, qui n’ont encore rien vu.
Qui lèvera la jambe le plus haut ?
Les soldats se mettent en place et, sur un ordre général, avancent d’un pas cadencé vers le portail-frontière. Une sorte de compétition démarre entre les deux nations : celui qui lèvera la jambe le plus haut, celui qui tiendra un cri le plus longtemps. Chaque succès est acclamé par le public gagnant. Irréel. Avec leurs crêtes rouges (indiens) ou noires (pakistanais) sur la tête, les soldats échangent une poignée de main, signe de clôture de la cérémonie et de fermeture de la frontière pour la nuit. C’est maintenant l’heure pour les deux publics de venir se faire photographier devant la frontière indo-pakistanaise !
Une fête quotidienne entre deux peuples ennemis, qui recommencera demain. Et ça fait six ans que ça dure !
Revenons à nos Sikhs et à leur magnifique Temple d’Or, recouvert, dit-on, de 270 kg de ce précieux métal. Le Gurdwara (nom donné au temple sikh) trône au centre d’un immense bassin. Des milliers de pèlerins viennent du monde entier pour approcher l’original du Guru Granth Sahib, livre sacré qui renferme les enseignements des dix grands gourous. Et les sikhs savent recevoir : le gîte et le couvert sont offerts à tous ceux et celles qui poussent la porte de ce lieu saint. 60 000 à 80 000 repas végétariens sont distribués chaque jour !
En France, on dénombre 30 000 sikhs, trop souvent confondus avec des musulmans à cause de leur barbe et turban. Tu vois, pas besoin de venir en Inde.
Cinq choses à savoir sur le sikhisme : – Religion créée à la fin du XVe siècle par Guru Nanak pour rejeter le système de castes – Les sikhs ne croient qu’en un Dieu unique – Ils rejettent le culte des idoles – Ils croient en la réincarnation et au karma – Ils sont convaincus de l’égalité de tous les êtres.
Les « cinq K » Dans le sikhisme, le concept du Khalsa soutient la croyance en une race élue de saints soldats qui respectent un code moral très strict (pas d’alcool, tabac ou drogue). Ces sikhs initiés doivent suivre la règle des « cinq K » : le Kesh (chevelure et barbe non coupées, symbole de la sainteté) ; le kangha (peigne qui retient la chevelure, pour la propreté et netteté) ; le kaccha (caleçon, qui incarne décence et sainteté) ; le kirpan (poignard recourbé dans un fourreau, symbole de la volonté de Dieu) et le karra (bracelet en fer, pour la restriction et la retenue).
Pondichéry, ancien comptoir français. Pondichéry, bol d’air français dans ce long voyage. Pondichéry, paradis indien pour la langue de Molière. Ah, le grand fantasme du Frenchie sur ce bout de terre indien. Vous en avez rêvé ? Nous aussi. Sans doute trop. Car Pondichéry n’est pas comme on l’imagine. Mais, si on lui laisse un peu de temps, cette ville sait comment faire pour vous charmer.
Nous étions pourtant prévenues : « Non Pondichéry n’est pas un bout de France en Inde ». Mais on veut quand même y croire. Du coup, tout juste arrivées, très vite déçues. Une guest house en plein quartier indien, difficile d’imaginer nos ancêtres sur ces terres. Les trois-quarts de la ville sont indiens avant d’être français. Pas la peine non plus d’essayer de parler français aux auto-rickshaws (« auto » de leur petit nom), ils ne comprendront pas.
Première réconciliation : la cuisine. Les plats indiens sont excellents, délicieux, savoureux. Mais la baguette, les croissants et la viande de bœuf, ça on y peut rien, ça nous manque. Pondichéry nous a offert cette parenthèse culinaire méritée. Jusqu’à nous dégoter une boulangerie locale – Baker St – à la hauteur des enseignes françaises. Des pâtisseries à profusion, des pains craquants, des salades divines, et une commerçante indienne avec un français parfait et un bagou digne des authentiques boulangères.
Santa, la belle rencontre
Et une fois l’estomac bien rempli, tout va de suite beaucoup mieux. Les grandes bâtisses jaunes du quartier français (le long de la jetée) dévoilent leurs charmes et les paisibles rues ombragées, plus propres dans l’ensemble que le reste de l’Inde, se laissent aisément parcourir. Même l’atmosphère qui règne entre ces murs est typiquement française. Le silence et le manque de vie de ce secteur résidentiel contrastent avec l’effervescence et l’explosion de couleurs de l’autre partie de la ville.
Alors forcément, on a envie de se rapprocher du quartier tricolore pour le découvrir un peu plus. Exit la guest house et le secteur indiens pour intégrer l’un des hôtels gérés par l’ashram Sri Aurobindo. Non, les chambres de la New guest house n’ont rien de monastiques (comme le prétend le Lonely Planet). Avec leur petit balcon et leur propreté, elles permettent surtout d’oublier quelques jours la négligence de bon nombre de guest houses sur l’hygiène. Le tout pour un prix dérisoire (300 roupies, 4,30 euros). Seul inconvénient, il y a quelques règles – une bonne dizaine ! – à respecter (dont un couvre feu à 22h30).
On ne change pas de discours : si on aime un endroit, c’est aussi pour les rencontres que l’on y fait. Celle de Santa nous a fait un bien fou. Cette mamie franco-indienne nous a fait passer une délicieuse soirée dans sa grande maison. Spécialités culinaires du sud de l’Inde, petits potins sur la communauté francophone locale, décryptage des codes indiens, anecdotes personnelles. Le tout en langue française. Une très belle soirée.
Après une parenthèse de cinq jours, il est temps de filer vers la prochaine étape. Motivées et pleines de bonne volonté, on tente avant de partir le réveil à 5 heures du matin, pour observer une heure plus tard (après 30 minutes de marche), le débarquement des pêcheurs au port. On s’est levé, on a marché, mais on était mal renseignées. Les bateaux à quai et les filets bien rangés, nos pêcheurs sont rentrés depuis longtemps. Cette erreur nous a au moins permis de partager pour la première et la dernière fois la marche sportive du samedi, le long de la jetée, des centaines de locaux. Merci Pondi !
La chaleur étouffante du sud enfin apaisée par une légère brise… Les bananiers qui côtoient la canne à sucre sous le regard approbateur des cocotiers. Entourés d’une rivière de pierres que l’on croirait faite de carton. This is Hampi… Calme, sereine et (pas tout à fait) millénaire, les ruines de cette cité hindoue ont tout pour séduire.
Éparpillées sur un vaste territoire, elles peuvent se targuer d’être classées depuis des années (1986) au Patrimoine mondial de l’Unesco(lire la fiche Hampi de l’Unesco) et de conquérir bon nombre de réalisateurs de cinéma. Des dizaines de temples intacts, des colonnes alignées, un décor naturel et authentique qui transporte tout droit au XVe siècle. Bien mieux que des studios américains. Certes, tous les films produits n’ont pas été des chefs d’œuvres (le film français Hanuman a notamment été tourné sur place), mais c’est surtout l’occasion pour le touriste d’admirer, au cours d’une visite imprévue, des danseuses au déhanché bien senti, cheveux en pleine ventilation, sur le tournage du prochain blockbuster bollywoodien. Sensualité garantie.
Pas d’alcool, pas de viande
Mais Hampi ce n’est pas qu’un paysage paradisiaque parsemé de ruines historiques. C’est aussi le paradis des guest house. Tout bon Indien a des chambres à louer dans sa maison. Ça fait du choix (même si finalement, elles se ressemblent toutes). Alors comment choisir ? Chèvres et poules à l’entrée, coqs surexcités, il n’en fallait pas plus pour nous combler. Si on oublie le ventilateur bruyant et les moustiques acharnés, cette petite guest house à l’écart de la ville, près de la rivière, – et spécialisée en clients koréens ! – a de quoi plaire. En revanche, ne demandez pas une bière à la maîtresse de maison. Parce qu’à Hampi, quand on dit « pas d’alcool et pas de viande », on ne plaisante pas. Religion oblige. Difficile séjour pour les Russes en transit depuis Goa.
Heureusement, pour les distractions, il y a Lakshmi l’éléphant. Lakshmi va au temple, Lakshmi bénit les touristes avec sa trompe, Lakshmi prend son bain tous les matins dans la rivière. Tout le monde aime Lakshmi. Il amuse les touristes mais l’animal considéré comme sacré n’est pas qu’une attraction. Lakshmi fait intégralement partie du patrimoine de la petite ville, dont la vie est menacée. Un plan mis en place pour la conservation des temples entreprendrait d’expulser tous les habitants du secteur. L’intention est peut être louable, mais finalement un lieu touristique sans population locale est-il aussi représentatif de la vie indienne ? Pas sur que Lakshmi apprécie la vie dans son nouveau « complexe résidentiel ».
La faucille et le marteau flottent sereinement au vent. Du haut de ses 1524 mètres d’altitude, Munnar n’échappe pas à la règle. Comme l’ensemble du Kerala, elle brandit naturellement les couleurs communistesaux quatre coins de la ville. Ici, le camarade est particulièrement fier et solidaire de ses exploitations locales. Les cueilleurs de thé sont les premiers à bénéficier du système. Organisées en communauté, ces familles profitent gratuitement de logements, des services d’une crèche, d’écoles. Pour un salaire journalier (huit heures de travail) d’en moyenne 150 roupies. Et comme le veut la doctrine communiste, le partage a toute sa place dans la petite communauté. Être invité à boire du thé et manger des racines de tapioca, tout en jouant au carrom, chez le fils d’une cueilleuse de thé, c’est aussi ça l’esprit du Parti.
La petite station, noyée de tous côtés par des coulées de plantations de thésait aussi retenir le touriste venu respirer l’air pur et frais des montagnes. Tout le monde, ou presque, organise des treks dans les environs. Les rickshaws vous proposent de faire la tournée des points de vue. Mille occasions finalement de découvrir cette mer verte et fascinante qui recouvre les collines alentours. Un arrêt le long de la crête, des milliers d’arbustes plantés géométriquement, le silence. À couper le souffle.
Munnar soutient d’ailleurs à qui veut bien l’entendre posséder des plantations de thé parmi les plus hautes du monde. Plus haut encore que le célèbre Darjeeling ? La question qui fâche. Dans le Kerala, on n’aime pas trop être comparé au voisin himalayen, un peu trop populaire. Alors on vous répondra toujours « oui ».
Chocolat et chips de bananes
C’est logiquement devenu l’endroit rêvé pour les lunes de miel. Les jeunes mariés indiens s’arrachent les luxueuses maisons de bois suspendues dans les arbres. Et au programme de leur journée romantique : l’incontournable excursion à pédalo sur le lac d’Echo point. Ici, le pédalo n’a rien de ringard. Une expérience rare et originale à côté de laquelle les couples ne veulent pas passer. Malheureusement, certaines histoires d’amour finissent mal. Quatre jours avant notre passage, un jeune marié a été happé par le siphon d’une cascade alors qu’il voulait impressionner sa belle. Il n’est jamais remonté à la surface. Le couple fêtait tout juste ses 14 jours de mariage.
Plus jovial : la gastronomie locale. Rien de différent du reste de l’Inde du sud dans les assiettes. Mais côté encas, Munnar vise haut : du chocolat fait maison. Pourquoi diable n’a-t-on jamais entendu parler de cette fabrication locale ? Nous avons gouté. Nous avons compris. Pas vraiment mauvais, le carré noir que l’on appelle ici chocolat est loin de nos habitudes françaises. Un brin écœurant, on soupçonne les fabricants de mettre dans la recette plus de beurre et de sucre que de cacao ! Heureusement, il y a les chips de banane. La révélation culinaire du Kerala. Parfait pour l’apéritif, ces pétales jaunes à peine salées croustillent sous la dent. Bien sûr, pour des raisons purement pratiques, on troquera le verre de pastis contre une tasse de thé.
Si l’appellation indienne de cette ville ne t’évoque rien lecteur, c’est parce que tu connais surtout son ancien nom anglais : Bénarès. Cité mystique, cœur de l’hindouisme, la célèbre Varanasi et ses 80 ghâts accueillent chaque année plus d’un million de pèlerins, venus se purger de leurs pêchés dans le Gange sacré. Mais surtout, ici, l’Hindou obtient un accès direct au nirvana.
Comme d’autres religions, l’Hindouisme croit en l’existence d’un cycle de réincarnation. Ainsi, chaque vie passée sur cette terre conditionnerait la prochaine. L’âme quittant l’enveloppe corporelle pour renaître dans un nouveau corps. Un éternel recommencement qui peut être stoppé par l’incinération du corps (mort naturelle uniquement) à Varanasi, sur la rive gauche du fleuve sacré. La fin du cycle des réincarnations. Cette croyance pousse de nombreux Indiens à venir mourir dans cette ville particulière de l’Uttar Pradesh. Ambiance…
Le long des ghâts, la vie semble pourtant suivre son cours paisiblement. Les femmes lavent leur linge, les enfants se baignent, les buffles font trempette. Mais à quelques mètres de là, des centaines de corps se suivent sur les bûchers. Manikarnita Ghat, « burning ghat », est le lieu des crémations le plus importantde Varanasi. Difficile pour un touriste de se sentir à l’aise dans cette atmosphère de deuil, devenue il faut l’avouer une sorte de spectacle. L’interdiction de prendre des photographies semble aller de soi, certains violent la règle à leurs risques et périls. Un Japonais s’est fait frapper le matin de notre arrivée parce qu’il n’a pas respecté ce lieu saint.
Des centaines d’incinérations par jour
Ici, le feu ne s’éteint jamais. Il brûle depuis 4000 ans, nous souffle-t-on. Le feu éternel est entreposé en haut du ghât, quelques braises chaudes qui sont entretenues par le « chef des intouchables ». Les corps arrivent de tout le pays pour un dernier bain sacré. Seuls les enfants de moins de dix ans, les femmes enceintes, les lépreux, les personnes piquées par un serpent ou les sadhus sont exemptés de la crémation.
On parle de plusieurs centaines d’incinérations par jour. Pendant les grandes chaleurs, fatales à de nombreuses personnes, les chiffres frôleraient même le millier. Un fait difficile à vérifier puisqu’ici pas de gestion commune, chaque famille est responsable de son défunt.
Le rituel religieux est suivi à la lettre par tous. Après avoir amené le corps recouvert de linge sur des brancards de bambou, il est plongé une dernière fois dans le Gange pour le purifier. La famille doit acheter le bois qui servira à l’incinération. Et dans cette étape de la crémation, les inégalités de castes ressurgissent. Il existe trois types de bois : le moins cher (10 à 15 roupies le kilo) est le plus accessible, un prix moyen propose une seconde qualité de combustibles à 60 roupies le kilo. Et les plus riches s’offrent le luxe de brûler entourés de bois de santal (plusieurs milliers de roupies le kilo). Sachant qu’il faut près de 200 kg pour brûler un corps… On vous laisse faire le calcul. L’incinération représente un réel investissement pour la famille.
Une fois la dépouille installée sur le bûcher et les mantras récités, le parent de sexe masculin le plus proche du défunt (époux, père, frère) est chargé d’allumer le feu. Il a au préalable rasé sa tête et revêtu un habit blanc, comme le veut la tradition. Généralement, plusieurs corps sont incinérés au même moment. Mais jamais les femmes ne sont admises sur les ghâts. Elles n’ont plus le droit d’assister à la crémation depuis que l’une d’elles, il y a environ 400 ans, se serait jetée sur le bûcher de son défunt époux, persuadée que sans lui sa vie était finie. Jugées « trop émotives », elles sont depuis priées de rester en retrait de la cérémonie. Il est aussi dit que les larmes des femmes seraient un obstacle à la Libération.
Trois heures plus tard, il ne reste plus, au milieu des cendres, que les os les plus résistants du corps humain : le sternum pour l’homme, les hanches pour la femme. Le tout finira dans les eaux sacrées du Gange, une fois que les intouchables chargés d’entretenir le ghât auront récupéré les bijoux laissés sur le corps du mort pendant la crémation : un accord tacite entre les familles et les intouchables.
Une scène de la vie qui se répète inlassablementsur les rives du Gange depuis des millénaires et que ni tourisme ni catastrophe naturelle ne pourra enrayer. Elle trouble certains voyageurs, mais comme vous diront les Indiens qui assistent aux crémations : « Ce n’est pas triste, tout le monde doit mourir, un jour ou l’autre ».
Kochi l’Anglaise, Kochi la Portugaise, Kochi la Hollandaise. Kochi et ses presqu’îles, Kochi et son passé, Kochi et ses religions. La ville du Kerala multiplie les visages. Difficile de savoir qui elle est réellement. Une chose est sûre : on s’y sent bien.
Kochi la paisible
Ou plutôt Fort Kochi. Vous pénétrez en début de soirée dans ce quartier touristique de la ville. Aucune agitation, aucune effervescence commerciale. L’étranger est pourtant une cible idéale dans ce secteur où une centaine de guest houses offrent des chambres. Mais ici, aucun rabatteur visible, aucune arnaque montée. Seulement de belles rencontres. Et notamment celle d’une famille et de sa maison d’hôtes : Doyal, Sophia, leurs trois enfants et la grand-mère. Un vrai havre de paix en plein centre-ville.
L’adresse Jojies Stay Home n’est pas référencée dans le Lonely Planet. C’est un rickshaw bien attentionné qui nous a déposé au bon endroit. Aussitôt visitée, aussitôt conquises. Il faut dire que depuis 2010, le couple consacre tout son temps à ses guests (« invités »).
Vous êtes bien installés, vous êtes heureux et vous partez arpenter cette agréable ville.
Kochi l’artistique
Vous délaissez le cœur historique pour vous balader vers la jetée. Au fur et en mesure, vous découvrez à chaque coin de rue cet art étonnant, que jusqu’alors vous n’aviez pas vraiment croisé en Inde. Sur les murs, une explosion de couleurs, des visages, des formes géométriques. Et un peu plus loin l’explication : Kochi organise sa première Biennale d’arts visuels. La ville indienne du Kerala vient rejoindre la longue liste des participantes mondiales.
Organisée par le gouvernement local, cette exposition temporaire offre au public une large vision des pratiques artistiques les plus modernes. Au total, 94 artistes exposent (une cinquantaine d’origine indienne, dont une vingtaine du Kerala). De l’art contemporain en plein continent indien : Kochi voit grand et s’offre une belle fenêtre sur le reste du monde.
Vous n’avez parfois pas saisi les folles subtilités de l’art contemporain, mais quand on vous parle d’une soirée privée pour fêter la fin de la Biennale, vous n’hésitez pas une seconde. Un grand sourire à l’entrée (n’oubliez pas de préciser que vous connaissez Ranjeet – un prénom répandu, tout le monde connaît Ranjeet -) et hop vous voilà à copiner avec les DJs locaux, les artistes internationaux, l’open bar et le grand buffet offert. Une bien belle exposition.
L’art visuel n’est qu’une facette des compétences artistiques du Kerala. Ici, on adore le théâtre. Mais pas n’importe lequel : le traditionnel, le Keralais, celui qui dure toute une nuit (en règle générale, quelques heures pour les touristes). Autant le préciser tout de suite, on est loin de l’ambiance Molière ou Shakespeare. Très peu d’élocutions, beaucoup de gestuelles et énormément de maquillage (une heure de préparation sur scène avant le spectacle, à laquelle vous pouvez assister, ou pas). Le tout sur fond sonore (percussions et chanteur délirant). C’est vite résumé mais c’est l’idée du Kathakali. Surprenant, parfois un peu drôle il faut l’admettre, mais ça mérite le coup d’œil.
Kochi la traditionnelle
Kochi aime les traditions. Son riche passé, elle l’entretient constamment Nos fiers colons européens y ont tous laissé de belles marques. Les demeures portugaises, les vestiges du Raj britannique et bien d’autres traces hollandaises trônent dans les quartiers historiques. Si bien, qu’il est difficile de savoir qui l’a le plus influencé. Rajoutez à ça les carrelets chinois et vous obtenez le multiculturalisme local. Pour ce qui est de cette méthode de pêche asiatique, on doute de son efficacité hors mousson. L’habile pêcheur l’a donc transformée en attraction touristique. On vous invite à venir voir son fonctionnement, vous participez à la force des bras à la remontée du filet (et de ses quatre poissons attrapés) et on vous demande un petit billet (ou deux) pour aider la crise des pêcheurs. Pas fou l’Indien.
Côté religion, on est aussi très ouvert à Kochi. Autour de vous, les mosquées, la vielle synagogue de 400 ans, les églises et bien sur les temples hindous vivent paisiblement les uns à côté des autres. C’est possible.
Kochi la jeune
Si Fort Kochi est paisible, ses rues silencieuses, son environnement apaisant, elle n’en est pas moins vivante. Ici l’Indien est moins bruyant que dans d’autres parties de la ville, mais il est bien là. Surtout les plus jeunes, qui ont visuellement investi les lieux. Tous les parcs sont assaillis (notamment le dimanche) par les joueurs de football et de cricket. Pas le temps de discuter, les groupes se forment, les parties s’enchaînent. Les petits avec les petits, les grands avec les grands. Et le carré d’herbes (sèches) au milieu du quartier se transforme en gigantesque aire de jeu.
Une fois la session sportive terminée, les plus âgés, très proches de la jeunesse occidentalisée, rêvent de cinéma (plusieurs tournages de films ont lieu dans le Kerala), sympathisent avec les touristes autour d’une bière. Ils vous diront qu’ici on ne parle pas de mariage à 18 ans et qu’on vit sa vie comme on l’entend.
Paris n’est pas la France, Mumbai n’est pas l’Inde. La capitale de Bollywood est bien plus que cela. Ces 20,5 millions d’habitants magnifient le pays de Gandhi tout en pensant Occident, générant ainsi un échantillon indien gorgé d’effervescence, spécialement dans le sud de la ville. Pour le découvrir, il faut déambuler dans le quartier de Colaba, entouré de bâtiments tout droit sortis de l’univers d’Harry Potter. Profiter de la chaleur du sud et de l’exemplaire propreté de ce quartier. Ressentir la joie de dépenser des roupies dans des boutiques occidentales. Se sentir bien et assumer notre besoin de retrouver, pour quelques temps, notre petit confort.
Ici, les saris se mélangent aux shorts et tee-shirts sans choquer personne. Il faut dire que les innombrables touristes made in Goa (de passage à Mumbai après un séjour à se dorer la pilule sur les plages de la côte ouest) n’ont pas tout à fait saisi l’esprit indien. Madame expose son bronzage tout en exhibant son bindi sur le front et réalise ses dernières emplettes pendant que Monsieur vante ses compétences de négociateur chewing-gum en bouche. Inutile de préciser que nous ne voulons rien avoir à faire avec eux. Si ce n’est boire la même bière fraîche et méritée (et oui, presque deux mois de voyage maintenant) au Café Mondegar. Que l’on peut apprécier ici sans avoir l’air d’être une fille facile aux yeux de la population locale. Un plaisir !
Actrices de cinéma, nous ?
Et dans ce quartier où le touriste blanc est roi, la rumeur court que l’on peut être recrutées pour jouer (figurer plus exactement) dans une des nombreuses productions bollywoodiennes. Après trois jours à parcourir Colaba en long en large et en travers, désespérant de nous faire recruter (pantalons trop longs, t-shirts pas assez décolletés ?), on nous interpelle enfin ! Pour nous proposer d’escorter, le temps d’une soirée de mariage, de jeunes indiens en mal d’occidentales. Misérable échec.
Si on oublie notre carrière d’actrices, les prix exorbitants des chambres d’hôtels et les mauvaises imitations locales des pâtisseries françaises, on pourrait presque s’éterniser ici. Mais il suffit d’emprunter le train qui dessert toute la presqu’île pour découvrir un nouveau visage de Mumbai, ville de contrastes. Et nous, on adore le train…
L’autre visage de Mumbaï…
Nous voilà donc dans le train qui relie le quartier sud de Colaba à l’extrémité Nord de la ville. Transport en commun quotidiennement emprunté par des millions de personnes, les wagons du RER local sont initialement prévus pour accueillir 1 700 usagers. Pendant la Rush hour, plus de 5 000 hommes et femmes s’y entassent. Ca pousse pour rentrer, ca pousse pour sortir, tensions et frictions se multiplient. Il n’est pas rare que certains fassent le trajet le corps à l’extérieur du compartiment accroché au wagon par une main. Exercice périlleux ! Allez, embarquez.
Churchgate.Première station de la ligne ouest. Adieu Colaba.
Grant Road.Qu’est-ce qui est petit, chauve, dynamique et qui représente universellement l’Inde ? Et oui, le Mahatma Gandhi, ce bonhomme sympathique à l’origine du mouvement d’indépendance du pays, est lui aussi passé par Mumbai. Et y a laissé quelques souvenirs dans sa maison de Mani Bhavan, aujourd’hui transformée en musée. C’est d’ici qu’il aurait lancé son célèbre Quit India.
Mahalaxmi.Arrêt suivant, bienvenue dans la gigantesque machine à laver de la ville : le Dhobi Ghat. Des centaines de personnes s’activent dans 1026 lavoirs (vieux de 140 ans) pour frotter, laver, essorer et sécher à ciel ouvert des kilos et des kilos de linge sale. Si ça, ce n’est pas l’Inde…
Quelques kilomètres plus loin, au pied de la mer d’Oman, trône la Mosquée de Haji Ali. Pas particulièrement esthétique, elle attire mendiants et pèlerins qui se bousculent pour la prière. Une mosquée comme les autres vous nous direz. Pas tout à fait, à marée haute, le bâtiment se transforme en île. C’est un peu le Mont Saint-Michel de Mumbai. Et ça mérite le coup d’oeil.
Lower Parel.Direction un quartier en pleine expansion pour une petite évasion dans l’un des grands centres commerciaux de la ville. Le Palladium mall et son Zara, Burberry, Channel, Lacoste… Une partie de shopping réservée à une classe indienne aisée. Les prix ne sont pas toujours plus attractifs qu’en France et les collections forcément adaptées à la demande locale. Les boutiques mixtes proposent souvent trois fois plus de choix pour les hommes que les femmes. Mais rien qui n’entame notre plaisir de pouvoir acheter autre chose que des saris et salwarkameez.
Mahim Junction.Ici, le fantasme occidental du bidonville prend naissance. Le slum de Dharavi et son million d’habitants s’étend entre les deux voies ferrées de la ville. (les photos ne sont plus admises par les associations qui font visiter le lieu, certains auraient abusé de cette liberté). De tous les slums de Mumbai (2000 dit-on), c’est le plus organisé. Un secteur pour chaque minorité (hindou, musulmane, gujarati ou tamoul) lui même divisé en différentes industries (plastique, poterie, aluminium, alimentaire…). Une machine productive et rentable qui offre toutes les commodités nécessaires à ses habitants : restaurants, cinéma, supermarchés (version indienne bien sûr), toilettes publiques… On y vit heureux (dit-on encore) et certains jeunes travaillant dans d’autres quartiers de la ville choisissent de rester ici, par amour pour Dharavi ! Pour les familles les plus riches du quartier, des buildings proposent même des appartements haut de gamme, en plein cœur du bidonville.
Kandivali.Besoin de vous relaxer un peu après toutes ces découvertes ? A quelques kilomètres de la gare, sur la côte ouest, rejoignez la longue plage de Manori Beach (un peu polluée, c’est dommage). Loin du tumulte de la mégalopole, confortablement installé dans un hamac, offrez vous une petite sieste après un avoir dégusté un masala de poisson. Elle est pas belle la vie ?
Et si vous préférez le bateau au train : penser éléphant. Classées au patrimoine mondial de l’Unesco, les caves d’Elephanta Island, à l’est de Colaba, méritent un petit détour. Rien de transcendant mais les temples sont beaux et les vendeurs de souvenirs convaincants. Agréable petite escapade. Seul point noir au tableau, aucun éléphant sur l’île. Déception. Elle ne doit son nom qu’à la statue du pachiderme qui trônait autrefois sur le quai. Mais qui depuis a disparu !
Voilà, cher lecteur, tu en sais un peu plus sur cette bouillonnante mégalopole. Mumbai, Bombay, peu importe le nom qu’on lui donne, la ville la plus peuplée d’Inde est un petit bonheur à côté duquel il ne faut pas passer.
Lecteur, il est temps que tu connaisses la vérité : non, le Dalaï Lama ne s’est pas exilé à Dharamsala. Pour fuir l’oppression chinoise, le gouvernement tibétain a en réalité choisi de s’installer à Mc Leod Ganj, plus précisément à Gangchen Kyishong, 4 km plus haut que Dharamsala. Certes, la nuance est légère mais il fallait que tu saches. Maintenant, passons aux choses sérieuses.
Cette petite bourgade en altitude accueille donc aujourd’hui une importante communauté tibétaine et ce depuis 1959, l’année où l’Inde accorda son droit d’asile. Qui dit Tibétains, dit bouddhistes. Des drapeaux de prières multicolores, des moines en robe bordeaux et la présence du 14e Dalaï Lama font du lieu une place à part dans la région. Ici, les Tibétains vivent avec les Hindous, côte à côte. Les deux communautés se sont apprivoisées et aujourd’hui l’entente est plus que cordiale.
Un paisible endroit, trop rapidement envahi par les étrangers. Des touristes, des touristes et encore des touristes. Mode du bouddhisme ou visite de courtoisie ? Tous les genres se mélangent. Et encore, on a évité le pire : le Dalaï Lama, absent pour raisons diplomatiques, revient sous peu pour livrer ses enseignements. Événement qui attire immanquablement une foule de curieux.
Plus de 2000 enfants séparés de leurs parents
Et pendant que la Chine continue de martyriser les Tibétains chez eux, une grande partie des expatriés a su s’adapter et s’organiser sur cette terre d’adoption. Les associations pro-tibétaines sont nombreuses. Certaines ont à cœur de perpétuer leur identité culturelle à travers l’éducation de leurs jeunes. Le Tibetan Childen’s Village fait partie de celles là. Plus de 2000 enfants, orphelins ou séparés de leurs parents restés au pays, sont pris en charge dans cet immense village. Ils peuvent y suivre une scolarité normale, sponsorisés par des bienfaiteurs occidentaux. Beaucoup ont pris des risques considérables en traversant illégalement les frontières. Encore plus depuis la répression récente, conséquence de l’intérêt international porté au Tibet depuis les Jeux Olympiques de Pékin en 2008. Certains retourneront chez eux à la fin de leurs études, d’autres resteront, mais en attendant, c’est tout un peuple qui se reconstruit au delà des frontières de sa patrie.
Qui n’imagine pas un pull doux et soyeux quand on évoque le célèbre « cachemire » ? Il ne s’agit pourtant pas ici d’un simple tissu de poil de chèvre (pashmina). Le Cachemire, c’est d’abord une région indienne. Celle où vont justement s’épanouir les sympathiques chèvres qui offriront leur fameuse laine.
Nous voilà donc parties pour cet État réputé à la frontière nord de l’Inde : le Jammu-et-Cachemire, « heaven on earth » (paradis sur terre), comme aiment le rappeler ses habitants. Car ils sont fiers de leur région les Cachemiriens. Au point d’en réclamer haut et fort l’indépendance. « Ni Pakistan, ni Inde » : un seul Cachemire libre et uni (la région déborde effectivement sur la Chine, l’Inde et le Pakistan, ce qui fut la cause d’une guerre opposant ces deux derniers). Certains reconnaissent cependant l’intérêt touristique de l’Union indienne. On ne le répètera jamais assez, le Cachemirien a la fibre commerciale dans le sang.
Sitôt arrivées à Srinagar (la capitale), sitôt prises dans le filet d’un businessman local : guest house, houseboat sur le lac Dal, pashmina… Que de propositions : l’entreprise familiale est fleurissante dans tous les secteurs. Il faut dire que le trentenaire (qui fait des affaires en Suisse) est convaincant. Va donc pour le luxueux houseboat. Et comme il préfère les touristes étrangers aux locaux, il divise par trois le prix annoncé aux Indiens (véridique). On vous l’a dit, ils savent y faire. Les démonstrations de tapis (technique persane ancestrale transmise de génération en génération) et d’écharpes en pashmina suivront. Difficile d’y résister là aussi. Ces redoutables commerçants trouvent toujours un moyen de vous convaincre.
Meubles en bois sculpté, véranda qui donne directement sur le Lac Dalet repas maison servis tous les soirs… On ne regrette rien : le bateau de plus de 45 ans a plein de charmes. Et nous découvrons enfin l’univers des houseboats. Ces maisons sur l’eau, à taille variable, qui offre aux touristes une alternative (souvent moins bon marché) aux hôtels locaux. La vue sur le plan d’eau et les montagnes à l’horizon font évidemment la différence. Aujourd’hui, ils sont entre 800 et 1000 à se partager le lac. (Et à le polluer, malgré les alertes du gouvernement local ; on a pu constater que l’eau servait encore beaucoup trop souvent de décharge publique).
Pas un touriste à l’horizon
Et pendant que, sur leurs longsshikaras, les bateliers tentent de vendre artisanat local ou produits de première nécessité, les montagnes enneigées en toile de fond, la vieille ville bouillonne. Rien à voir avec le reste de l’Inde. Srinagar a une identité propre : imaginez vous dans le souk animé d’un pays arabe, entouré de maisons faites de briques et de bois. Majoritairement musulmane, la ville est parsemée d’imposantes mosquéestypiquement locales. Incroyables bâtiments carrés, coiffés de toits à plusieurs niveaux et d’une flèche centrale, le plus souvent sans minaret.
Et alors que nous cherchons les cicatrices de la guerre indo-pakistanaise sur les murs des maisons, vient la plus belle des rencontre. Un vieux monsieur de 80 ans nous interrompt dans un anglais impeccable (pas si fréquent en Inde). À peine le temps de dire que nous sommes Françaises et nous voilà invitées dans sa grande famille pour un thé. Le vieil homme, ancien vendeur de tapis, se souvient : avant la guerre rien n’était cher (80 roupies un vol pour Delhi), avant la guerre tout était différent. Nostalgique, il sort les documents signés par des membres de l’Onu envoyés sur place, vantant la qualité de son artisanat. Il y a des Canadiens, Australiens, Suédois… Des enveloppes venues des quatre coins du monde. Promis, bientôt, il aura une lettre française… Une dernière séance photos avec ses petites filles et vient le temps des adieux.
De retour dans les rues de la vieille ville et pas un touriste à l’horizon. Beaucoup ont encore peur de l’instabilité politique de la région. En mars dernier, cinq policiers étaient tués dans un attentat suicide revendiqué par un groupe pro-Pakistan. Dernière attaque d’une longue série. Pourtant ici, la vie suit son cours normalement, mise à part l’omniprésence de l’armée. Les habitants se sont fait à cette idée.
Il est temps de quitter ce petit coin de paradis. Sans avoir eu le temps de découvrir ses montagnes, ou de pêcher son « rainbow fish » (poisson arc-en-ciel), paraît-il si goûtu. Pas possible non plus de partir trekker dans le Ladakh, ses hauts sommets et ses vallées, les plus sèches du monde. La route est longue et certaines portions (plus de 5000 m d’altitude) demandent plus de deux jours de trajet. Difficile de toucher du doigt ces magnifiques paysages sans pouvoir les explorer véritablement. Mais les jours de nos visas sont comptés et il nous reste quelques contrées à parcourir…
Il y a quelques années, je (ici, c’est Elodie qui raconte) m’envolais pour l’Inde en compagnie de Milena, une amie photographe. Deux filles en territoire inconnu pendant cinq mois. Tout au long de notre parcours, on a raconté, à chaud, nos impressions et nos péripéties sur un blog créé pour l’occasion. Aujourd’hui, j’ai envie de partager ces carnets de voyage ici. À travers cette série de 10 articles (l’épisode 8 ici), découvrez l’Inde avec nous. On l’a d’abord détestée, puis elle nous a intrigué. Et après un long apprivoisement, on a appris à l’apprécier. Il m’a fallu du temps pour me remettre de ce voyage, mais aujourd’hui, avec le recul, je peux enfin dire : j’y retournerai.
ÉPISODE PRÉCÉDENT :Cinq expériences à vivre en Inde