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Ascension du Grand Paradis en 2 jours : mon premier 4000 m !

ITALIELe Grand Paradis, un sommet à 4000 m sans difficulté ? Oui mais… Récit et conseils pour réussir à atteindre le sommet en 2 jours : suivez le guide.

Réussir l’ascension jusqu’au sommet du Grand Paradis, en 2 jours et avec un guide. C’est répondre par l’affirmative à la question : est-ce difficile de réussir à grimper à plus de 4000 m d’altitude quand on est un parfait débutant en alpinisme ? En tout cas, c’est réalisable.

Avant tout : cibler une ascension facile techniquement. Qui s’apparente à de la randonnée, en fait. Pour une première, faut être lucide et oublier murs de glace et autres verticales rocheuses. On va rester sur les bases, hein. La marche. Crampons aux pieds et encordés, oui, mais la marche quand même.
Le Grand Paradis, sommet à 4061 m d’altitude des Alpes italiennes, dans le Val d’Aoste, a la réputation d’être « un sommet facile«  pour une première expérience. Son ascension, c’est en fait une longue randonnée glaciaire en altitude.

Faire son premier 4000 : les facteurs du succès au Grand Paradis

Le succès de l’ascension dépend alors de trois facteurs :

On est déjà monté plus haut que 4000 m à plusieurs reprises, lors de notre voyage autour du monde : par exemple au Pérou, à 4600 m lors de notre trek de cinq jours jusqu’au Machu Picchu. Ou encore jusqu’à plus de 4700 m en Bolivie, au départ de la Route de la Mort à VTT. Mais on avait passé des semaines à au-moins 2500 m et on était bien acclimatés.

Quel sommet à 4000 m ? On ira tous au Grand Paradis, on ira

Le premier pas, le plus dur finalement (comme toujours !), c’est de se lancer le défi. De se dire « on y va! ».
Flash-back. Nous, c’était à table, au détour d’une conversation (et de quelques bouteilles).

JB : « Pour mes 40 ans, j’aimerais bien grimper un 4000 mètres. »
Les autres : « Ah. Bon OK, on vient. »

Et voilà comment on se retrouve quelques mois plus tard à six potes, six mecs (Élodie n’est pas dans le coup, cette fois-ci), encordés, casqués et crampons aux pieds, à crapahuter les uns derrière les autres, souffle court, sur un glacier italien. À l’assaut, donc, du Grand Paradis (le Gran Paradiso, dans la langue d’Eros Ramazzotti).

Deux guides de montagne, six clients

Mi-juin, youpi, la météo s’annonce bonne. On retrouve nos deux guides de haute montagne, qui nous ont donné rendez-vous le matin à Bourg-Saint-Maurice. Deux guides ? Oui : la réglementation italienne limite le nombre de clients à cinq pour un guide, quelle que soit la course.

CHOISIR SON GUIDE DE HAUTE-MONTAGNE
Se lancer sans guide
dans une première ascension à 4000 m ? Mauvaise idée ! Même si une ascension comme celle du Grand Paradis n’est pas technique, il faut tout même bien connaître le terrain, savoir identifier les dangers (et ils ne sont pas forcément visibles pour le novice) et posséder les méthodes, l’expérience et les connaissances pour réagir en cas de souci.
Comme c’est souvent le cas, on a trouvé nos deux guides par le bouche-à-oreille. Gilles Broche et Olivier Oudard, respectivement 32 et 21 années d’expériences, rattachés au Bureau des guides des Arcs.

COMBIEN ÇA COÛTE ?
Nos prix pour le Grand Paradis. Chaque guide demande 680 euros pour la course. À diviser par le nombre de clients. Nous, à six, on s’est donc retrouvés à devoir prendre deux guides (680 + 680 = 1360 euros) ; pas franchement une bonne affaire. Mais c’est sûr, on était bien encadrés ! 
À savoir aussi : durant tout le temps de la course, c’est ainsi que ça se passe, c’est vous qui paierez, à manger et à boire, pour votre guide (au refuge, ils étaient logés gratuitement).

JOUR 1

Après un peu plus de deux heures de route vers le Val d’Aoste et une pause déjeuner, on y est. Au pied du Grand Paradis.
On laisse les voitures sur la route de Valsavarenche, à environ deux kilomètres de Pont, là où le bitume se termine. Juste devant un panneau – immanquable – qui nous signale que le gîte Chabod, le but de cette première journée, est bien ouvert. Ouf !

Grand Paradis : la voie normale, les différents itinéraires

Il existe plusieurs possibilités pour monter à l’assaut du Mont Paradis. Soit un aller-retour jusqu’au sommet, depuis le refuge Chabod (face nord-ouest) ou bien depuis le refuge Victor-Emmanuel II.
Ou alors, ce qui en montagne, s’appelle « une traversée », monter par un versant et redescendre par un autre. Plus intéressant, forcément : c’est ce qu’on va réaliser, depuis le Chabod.

Petite astuce. Les parkings des deux chemins qui mènent à chacun des refuges sont séparés par deux kilomètres de route. Si comme nous, vous avez deux voitures, avant de vous élancer pour une « traversée », allez en poser une au pied de l’autre sentier. Ça permettra, le lendemain, d’éviter deux dernières bornes bien désagréables sur le bitume en conclusion d’une seconde journée où vous en aurez déjà bien plein les pattes (montée de 1300 m de dénivelé positif jusqu’au sommet du Grand Paradis et surtout descente totale de 2200 m de négatif, qui va mettre à l’épreuve vos genoux, vos pieds et vos nerfs).

Monter au Grand Paradis : quel sens choisir ?

Pour nous; par le refuge Chabod. « La montée vers le sommet du Grand Paradis par le côté du refuge Chabod est beaucoup plus jolie, elle a vraiment un aspect haute montagne, annonce l’un de nos guides. Avec des parois qui s’élèvent au-dessus du glacier, des séracs… » Effectivement, on a pu le constater à la descente, l’autre versant, côté refuge Victor-Emmanuel II, est moins visuel. Et on l’a constaté aussi : le refuge Chabod (privé) est bien plus propre et agréable que le Victor Emmanuel II (géré par le club alpin). C’est comme ça.

Les voitures sont garées. Les guides distribuent baudriers, casques et crampons à ceux qui n’en ont pas. Des piolets ? Si on est tous équipés de bâtons de marche, « ce n’est pas nécessaire », assurent-ils. OK.

C’est parti. Les sacs, avec le matos et les habits chauds, pèse une bonne dizaine de kilos à peu près. Départ à 1750 m d’altitude. Après une petite heure de grimpette (2,8 km parcourus ; certains d’entre nous étaient équipés de montres GPS, on va vous donner des infos chiffrées précises dans cet article), première pause à côté d’un chalet d’alpage à l’abandon, à 2100 m d’altitude. Là de l’eau, bien fraîche descend tout droit de la montagne. Un tiers du dénivelé au menu du jour est déjà avalé.

1 000 m de dénivelé positif, 2h20 de marche

Jusque-là, sous les arbres, le chemin qui grimpe de manière régulière en épingle est quasi entièrement pavé de pierres. Quel boulot ! On sort de la forêt, ça grimpe toujours gentiment. On commence à distinguer la limite de la neige.  Surtout, durant toute la dernière heure de marche, on aperçoit clairement le sommet du Grand Paradis, là-bas, au loin. Il paraît juste tellement loin. Tellement haut. Inaccessible.

Refuge Chabod atteint, à 2710 m, au bout de 2h20 de marche, et 6,6 km parcourus. Et presque 1000 m de dénivelé positif. Une mise en jambes. Depuis la chouette terrasse du refuge, on voit maintenant clairement le chemin qu’on va emprunter le lendemain. Les traces des cordées qui sont passées tôt dans la matinée se distinguent, sur le glacier, quasiment jusqu’au col. Le sommet du Grand Paradis se dresse encore bien au-dessus. Sacrée balade en perspective.

GRAND PARADIS : DORMIR AU REFUGE CHABOD
Créé en 1966 par un groupe de guides italiens, le refuge Chabod se trouve juste au pied de la paroi Nord Ouest du Grand Paradis. C’est l’un des points de départ classique pour une ascension du sommet.
Le refuge, agrandi récemment, compte 85 places ; il était archi complet au moment de notre passage. Mieux vaut réserver en avance, ce qui nous a permis de dormir tous les six dans le même dortoir de six places (chambres et dortoirs de deux à une vingtaine de lits, sinon).
Les chambres et les sanitaires sont propres, les matelas confortables. La patronne de ce refuge familial, comme le personnel, est super sympa. Pas de wifi, pas de réseau téléphone (on le retrouve en faisant quelques mètres dehors).
On a payé chacun 72 euros pour la nuit, le dîner (mention à la crème caramel), le petit-déjeuner, une douche (3 €) et une pinte.
Quelques prix : 3,50 € le demi ; 5 € la pinte ; plat de tagliatelles 9 € ; tarte myrtille 4 €.

JOUR 2 : LE SOMMET DU GRAND PARADIS

Réveil, 3h30. Oui, oui. Ça pique un peu : on n’a pas vraiment bien dormi. Pas facile, aussi, de se mettre au lit à 21h… On pense au lendemain, au Grand Paradis, à l’ascension. A la manière dont on va réagir à l’altitude… Et puis six mecs dans un dortoir, ça n’est jamais vraiment « luxe, calme et volupté ».

On n’est pas franchement les plus rapides à se préparer. Après le petit-déjeuner, l’habillage, il est déjà 4h30 quand on se met en marche. Il fait encore nuit, des lampes frontales balaient déjà la montagne, bien en avance sur nous. Allez, on se lance à notre tour : cap sur le sommet !

Randonnée glaciaire : un pied devant l’autre dans la neige

On avance dans le noir, jusqu’à trouver la neige, au bout d’un quart d’heure de marche. On chausse les crampons un peu plus loin. Le jour commence à poindre, on assiste à un superbe coucher de lune. Surtout : la température est clémente, sans doute autour du zéro.

C’est reparti. Après une heure et quart, et un seul raidillon, on arrive sur le glacier de Laveciau. Là, il est temps de s’encorder. Deux cordées, selon les niveaux et la forme physique. C’est le début de la saison estivale, la neige est encore très présente, la sécurité quasi au maximum. Bientôt, des crevasses se creuseront dans le glacier… Durant toute notre ascension du Grand Paradis, on n’en a franchi qu’une seule, pas large mais suffisante pour apercevoir la profondeur de ce genre de piège. Impressionnant. On n’a pas vraiment envie de dégringoler là-dedans. Par prudence, on avance en laissant la corde toujours bien tendue entre nous.

Un pied devant l’autre, au rythme des crampons qui s’enfoncent dans la neige. On monte, encore et toujours. Quand ça devient pentu (et il y a quelques passages bien inclinés), on s’applique à marcher en crabe, en croisant les pieds l’un devant l’autre dans le dévers. Gaffe à bien enfoncer les crampons. Même si c’est raide, pas de souci, ça tient bien. Il vaut mieux : la glissade serait un peu longue et incertaine… 

Mal des montagnes ? Non, mais le manque d’oxygène se fait sentir

Coup de bol : la météo est impeccable, la visibilité maximale. Même si, dans l’effort, sacs sur le dos, on a tendance à ne regarder que la corde devant soi, concentré sur son labeur. Un pas après l’autre, encore et toujours.

Déjà trois heures de montée. On arrive au passage du col, à environ 3700 m d’altitude, où on retrouve toutes les cordées qui montent depuis le refuge Victor-Emmanuel II. Et elles sont nombreuses. Il y a du vent ; quand on s’arrête, on refroidit très vite. Les doigts picotent, malgré les gants (assez fins) et les sous-gants. Encore une heure d’effort : on ne s’attarde pas. 

Un dernier raidillon : on avance bien alors le guide nous fait couper en travers, plus court que la trace, pour doubler quelques cordée. Mais à l’approche des 4000m, dans le raide, le manque d’oxygène commence à se faire bien sentir. On fait des pauses courtes mais plus régulières ; finalement, sur la cordée tout le monde récupère très vite des efforts. Des quatre clients que nous sommes là, aucun n’aura eu de souci avec l’altitude. Pas de de mal de tête, pas de nausée ; le souffle est plus court, bien sûr, mais on avance sans trop de difficultés. Derrière nous, sur la seconde cordée, c’est plus difficile.

Au sommet du Grand Paradis : embouteillages devant la Vierge

8 h 30. On y est ! Le sommet du Grand Paradis est là, juste à quelques mètres. On voit la fameuse statue de la Vierge au-dessus de nous. Mais non : on n’ira pas jusqu’à elle pour la pause photo. Il y a tellement de monde, que ça bouchonne sévère sur les derniers mètres. Des embouteillages dans le dernier passage, étroit et en rocher, sécurisé par des cordes fixes. On on ne peut progresser qu’un par un, très lentement. Les grimpeurs qui redescendent nous annoncent près d’une heure d’attente. Sur une petite arête malaisée, où se croisent des gens qui pour certains ne sont pas du tout à l’aise et ça se voit ; ça craint.

Et voilà maintenant que certaines cordées s’avancent sur la partie normalement réservée au sens du retour. Ça sent la grosse pagaille. Même si la météo est clémente, on n’a pas franchement envie de se la jouer ambiance bouchons sur le périph, à 4000 m d’altitude. En 20 ans de montée au Grand Paradis, Olivier, notre guide n’avait « jamais vu » une telle affluence. Pas de chance.

Un peu à l’écart de la foule des alpinistes, on sacrifie tout de même aux selfies de rigueur. Pas exactement au sommet mais juste en dessous, et au-dessus des 4000 m d’altitude en tout cas. On l’a fait ! En quatre heures de montée, pause comprises, pour grimper les 1300 m de dénivelé. On se congratule. Joyeux anniversaire JB !

Le sommet, juste derrière…

La descente du Grand Paradis : et si c’était ça, le plus dur ?

Mais dès qu’on reste immobile quelques minutes, malgré le soleil, le froid se faire vite ressentir. Allez, on redescend. Sans se presser. Dans la neige encore glacée, en se freinant grâce à nos bâtons, l’exercice n’est pas forcément une partie de plaisir. Surtout quand les pentes se font raides, et qu’il faut dessiner des virages, toujours encordés.

Au fur et à mesure qu’on perd de l’altitude – et que les heures avancent – on gagne des degrés, et on enlève des couches. On arrive à 11h20 au refuge Victor-Emmanuel II, départ de l’ascension par l’autre face du Grand Paradis (il y a 9,3 km de refuge à refuge, 2600 m de dénivélé positif et autant de négatif, mais la distance ne compte pas vraiment – surtout à 4000 m d’altitude).

Impossible de passer commande pour manger avant midi alors tant pis, après une petite pause et un retour au short-tee-shirt, on continue. On s’attablera tout en bas. On retrouve très vite les cailloux. Tiens, une marmotte. On met 1h15 de plus à descendre jusqu’à la route, sur un sentier là-aussi majoritairement aménagé par l’Homme, qui a déplacé des tonnes et des tonnes de pierres pour le tracer.

Au Paradis, ou presque

Depuis la veille, on est toujours dans le Parc national du Grand Paradis. Un territoire protégé depuis 1922, sur le secteur de la « réserve royale » créé par le roi Victor-Emmanuel II pour protéger le bouquetin.

13h30, cette fois, c’est bien terminé. On est revenu à l’altitude de départ, à peine plus de 1700 mètres. À Pont, où les Italiens se pressent en famille pour l’air de la montagne ou de courtes balades, il y a deux restaurants. On peut enfin troquer les chaussures de rando pour les tongs. S’assoir. Commander : « une bière et des pastas, per favore« .
Crevés. Heureux. On a atteint le sommet. On est monté à 4000 m d’altitude. Au Paradis, ou presque.

Nos conseils pratiques pour réussir l’ascension du Grand Paradis

Comment s’habiller ?

Que mettre dans son sac à dos ?

Un sac à dos de 40 litres, c’est suffisant. Et ça vous empêchera d’emporter des affaires superflues.

À lire aussi : à l’assaut du volcan Villarica, notre ascension, au Chili, d’un volcan en activité jusqu’au cratère à 2850 mètres d’altitude. Cette fois-là, dans la neige, on avait fait la descente… en luge !

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